jeudi, novembre 17, 2005

Et qu'on me foute la paix

Ah! Laissez-moi tranquille avec mes vêtements, Lisaveta Ivanovna! Voudriez-vous que je me promène dans une veste de velours déchiré ou dans un gilet de soie rouge? On est toujours suffisamment bohème intérieurement quand on est un artiste. Extérieurement on doit bien s'habiller, que diable,...

Thomas Mann, Tonio Kröger

Il ne travaillait pas comme quelqu'un qui travaille pour vivre, mais comme quelqu'un qui ne veut rien faire d'autre que travailler, parce qu'il ne se compte pour rien en tant qu'être vivant, ne veut être considéré que comme créateur, et le reste du temps va et vient, terne et insignifiant, semblable à l'acteur débarrassé de son fard qui n'existe que lorsqu"il est en scène. Il travaillait en silence, enfermé chez lui, invisible et plein de mépris pour les petits écrivains dont le talent n'était qu'une parure de société, et qui, riches ou pauvres, circulaient, sauvages et débraillés, ou bien exhibaient des cravates recherchées, pensaient avant tout à couler des jours heureux en aimables artistes et ignoraient que les oeuvres bonnes ne naissent que sous la pression d'une vie mauvaise, que celui qui vit ne travaille pas, et qu'il faut être mort pour être tout à fait créateur.

( ibid. )

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