mardi, décembre 13, 2005

À la suite d'Éluard

« Une feuille qui se déplie
Un sourire qui continue
Mes yeux mes doigts
Notre jeunesse tendrement
Fait naître l’aurore sur terre »

- Paul Éluard, in Poème perpétuel


Rose comme le vert de ton visage
Ancré dans un firmament de toiles
Rouges jaunes et blanches
Et racines de terre amples

Ta main repose ma poitrine en silence
Me pose presque
Dans l’univers en essence

Et chaque côte de moi
Participe en mon ensemble du monde

Enforeillé par les épaules
Sur fond de voûte terrestre

Lumineux intervalles
Entrecoupés de clichés sombres
Comme une vague qui te happe
En fractions de secondes

J’étais là
Tu étais avec moi
Sous
Le balancement d’un certain univers
Accessible qu’à nous

1 Salves:

Blogger Raphaël Zacharie de Izarra écrit...

Un texte inédit de Paul Eluard

L'ECLAT DES BLES

Je marchais en direction des blés, le regard instinctivement attiré par l'azur. Juin chauffait la campagne, l'espace était rayonnant. Une colline devant moi rejoignait le ciel. Je la fixai tout en ralentissant légèrement le pas. Soudain un vent emporta mon esprit en direction de hauteurs inconnues.

Je fis un voyage extraordinaire, debout, pétrifié, les pieds bien posés sur le sol.

La tête ailleurs, je partis je ne sais où. Tout y brillait d'un éclat mystérieux. Un autre soleil pareil au soleil éclairait ce monde. Et je vis la colline, la même colline qui me faisait face. Mais avec une perception différente. La colline était vivante, je sentais en elle une essence vitale, une respiration intérieure. Elle échangeait des pensées supérieures avec l'azur qui lui aussi semblait imprégné de vie. Très vite je m'aperçus que toutes choses communiquaient avec l'ensemble du monde en se faisant passer entre elles un souffle universel plein de sagesse.

Les blés à côté de la colline formaient un choeur de millions de voix suaves, chaque tige ayant son chant propre, accordé avec tous les autres. La terre sous ces blés psalmodiait je ne sais quel étrange cantique. Le ciel avait pris un autre sens. Le bleu le définissait et je ne le nommais plus ciel mais le nommais Bleu. Les oiseaux dans les airs prenaient un prix infini. Créatures éternelles, rien ne pouvait les corrompre et leur vol se prolongeait dans des immensités sans fin.

Tout cela était à la fois tangible et impalpable, présent et invisible, proche et insaisissable.

Je redescendis aussi vite en moi que j'en étais sorti. Je me retrouvai les pieds toujours bien ancrés sur le sol, me réadaptant à la lumière du soleil habituel, qui me parut terne.

Dubitatif, perplexe et à la fois parfaitement convaincu de la réalité suprême de cette curieuse, inexprimable expérience que je venais de vivre, j'avançai vers le champ de blés comme si je devais poursuivre ma flânerie.

Poussé par une puissante intuition, je tendis la main vers une gerbe de blés pour la saisir.

Un éclair illumina ma main et la rendit transparente un bref, très bref instant. Si bref que l'oeil de la mouche l'a déjà oublié et que le soleil en doute encore.

Paul Eluard

06 juin, 2006 05:54  

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